Affiche Hocus-Pocus, Twilight in My Mind réalisée par Office ABC présentée dans l'exposition Lili Reynaud-Dewar Ceci est ma maison / This is my place, Magasin, Centre National d'Art Contemporain, Grenoble, 2012
courtesy Lili Reynaud-Dewar
Projection du film Hocus-Pocus, Twilight in My Mind
suivie d'une rencontre avec Alexandra Midal
Docteur en histoire du design et commissaire d'exposition
Le film Hocus-Pocus rend hommage au réjouissant livre De l’assassinat considéré comme l’un des beaux-arts (1827) de Thomas de Quincey. Il y inventa la « Société des Connaisseurs en Meurtres » dont les membres, « zélateurs de l’assassinat » se réunissaient pour observer la condamnable activité de meurtrier sous un angle esthétique.
Hocus-Pocus est un film de « thriller-fiction » qui présente une histoire de la tricherie, de la magie et du design à l’aune du crime.
Walter Benjamin a décrit le bourgeois comme s’il s’agissait d’un criminel et le flâneur comme un détective, Thomas de Quincey a considéré que le meurtrier est un artiste, Oscar Wilde a affirmé qu’il n’y a pas de morale dans l’art et Alfred Hitchcock comme Edgar Allan Poe ont décrit le crime comme un art, Hocus-Pocus pose l’hypothèse selon laquelle le designer et le critique seraient autant meurtrier que détective et que le design dépasse l'opposition entre bien et mal. Assumer une telle rupture avec « la moraline » du design est d’autant plus nécessaire qu’elle a structuré son histoire et son objet.
À côté de l’épopée des héros ou du quotidien assuré par les anonymes pour Pevsner ou pour Giedion, l’incarnation magistrale du antihéros en la personne de H. H. Holmes, le premier tueur en série des Etats-Unis, joue un rôle de premier plan. À la fin du XIXe siècle, ce soi-disant pharmacien construisit à Chicago une imposante bâtisse dotée des technologies les plus innovatrices pour accomplir confortablement ses meurtres. Son habileté rejoint la définition du design exposée par Flusser selon laquelle le design est lié à « un dispositif destiné à tromper : le levier par exemple, pour « tromper » la pesanteur, et le « mécanique », c’est la stratégie qui vise à tromper les corps pesants. Si on ne peut taire l’embarras que produit l'utilisation morbide qu'il en a fait, on peut aussi cependant se demander si la position amorale détenue par Holmes n'est pas une notion essentielle à la production de l’histoire. Convoquer l’horreur peut s’avérer essentielle à l’histoire du design et en introduisant à la notion du mal dans le design, je vous propose une nouvelle histoire du design qui rompt avec l’axe moderne et vertueux de l’écriture de l’histoire du design et en repense le modèle. Après la tricherie, le mensonge, l'illusion et le boniment, le meurtre; qui illustre une dimension paroxystique de la perfidie, révèle le design.
En dépassant l’idée selon laquelle la critique est obsolète ou inhibitrice de créativité, je m’inscris dans un projet critique d’insubordination à une quelconque finalité, où le montage, exposant ses collures donne à voir des connexions entre les divers emprunts visuels. Hocus-Pocus élargit le champ du design en y entremêlant l’histoire du cinéma et le pouvoir de la fiction. Alexandra Midal
durée : 2h