Frac



Ateliers internationaux
Journal d’un travailleur métèque du futur

résidence du 12 septembre au 20 novembre 2016
exposition du 19 novembre 2016
au 29 janvier 2017
Frac, Carquefou

XXXe Ateliers Internationaux du Frac
Commissaire : Dorothée Dupuis
Artistes invités : Julien Creuzet, Adriana Minoliti, Ximena Garrido-Lecca, Fernando Palma Rodriguez, Gala Porras-Kim.

L’exposition s’accompagne d’une publication en ligne d’octobre 2016 à janvier 2017. Intitulée The Late Shift*, elle est destinée à accompagner la production de l’exposition et à en prolonger les enjeux intellectuels. www.lateshift.press


Catalogue de l'exposition


Journal d’un travailleur métèque du futur rassemble des artistes utilisant les formes du document, de l’anthropologie et de la science-fiction comme autant de territoires imaginaires à cannibaliser en vue d’une production plastique interrogeant les notions de culture, d’origine et d’appartenance. L’exposition propose de composer à chaud une image de la société du présent par l’invocation de celle du futur. L’imagination, la caricature et la dystopie servent à créer des représentations nouvelles au sein d’espaces picturaux, filmiques, sculpturaux et performatifs infusés d’autres champs de connaissances de l’histoire récente et contemporaine. L’espace de l’art est ici traité comme une dimension parallèle où peut se voir, sentir, et appréhender des réalités différentes, un lieu d’expérimentation qui établit une communication entre les époques et les utopies. Certains des artistes examinent plus précisément la valeur travail dans leur pratique, s’intéressant aux phénomènes de production de valeur, à la circulation de capitaux, au travail immatériel, ou encore à la précarité liée à certaines conditions identitaires facteurs de marginalisation dans les sociétés qu’ils étudient. D’autres encore s’intéressent à la façon dont les cadres de vie sont affectés par le progrès et l’exploitation des ressources naturelles, souvent de façon inégalitaire selon les catégories de citoyens, posant avec acuité la question du paysage du futur : quel environnement pour nos descendants ? Quelle qualité de vie, quel habitat ? Enfin, ces artistes posent la question des cultures non-occidentales et proposent des stratégies pour que survivent ces cultures au sein du grand melting pot global, s’inspirant de théories comme celle du Manifeste Anthropophage brésilien, qui affirme la possibilité pour les cultures de s’entre-dévorer pour devenir plus résistantes, ou de la “pensée frontalière” conceptualisée par le théoricien argentin Walter Mignolo s’opposant au “système-monde colonial/moderne”.
Journal d’un travailleur métèque du futur propose un environnement immersif et pluriel où les œuvres existent autant individuellement que par interaction entre elles, suivant une sorte de “scénario” plastique inspiré des thématiques évoquées plus haut et pouvant se rapprocher de la science-fiction. L’idée de l’exposition surgit d’ailleurs en partie suite à la lecture d’un roman de l’auteur californien américain Sesshu Foster, Atomik
Aztex, qui décrit un monde où ces derniers seraient devenus les colonisateurs. Si les Aztèques ne font pas de meilleurs maîtres que les Espagnols, l’inversion des valeurs pose en tout cas la question de l’exploitation des uns par les autres d’une manière ouverte. Les stéréotypes inversés, ouvrant des espaces nouveaux en termes de rôle-modèles différents en termes de race, classe et genre, ainsi que la figure du voyage dans le temps s’insinuent alors comme des paraboles pour parler d’autres passages, en particulier celui de la frontière – qu’elle soit géographique, biologique ou culturelle. Le travailleur métèque fait également allusion à l’ouvrier noir américain de l’œuvre de James Boggs, et au Journal d’un métèque juif-polonais écrit par Jean Malaquais pendant la seconde guerre mondiale, évoquant nos perceptions fluctuantes des races, nationalités et phénomènes de migration à travers les époques. Tentant une synthèse entre les destinées subordonnées de deux continents, les Amériques, où réside actuellement la commissaire de l’exposition et d’où viennent la majorité des artistes, et l’Europe où se déroule la résidence et l’exposition des XXXe Ateliers Internationaux, le projet fait appel à des profils de créateurs dont les identités complexes nourrissent des réflexions indispensables sur la situation actuelle du monde.

Julien Creuzet (Blanc-Mesnil, 1986) utilise ainsi la notion de pensée “archipélique” développée par Edouard Glissant comme moteur esthétique et conceptuel d’une pratique visant à restituer par la poésie les identités fragmentées d’un monde toujours teinté des féodalités coloniales – parfois littéralement, comme dans ses grandes peintures réalisées à la bouillie bordelaise.
Ximena Garrido-Lecca (Lima, 1980) explore les différentes façons d’habiter un territoire de par le monde et en capture des éléments visuels et narratifs au moyen de la vidéo. Ici, une installation totémique confronte les antiques cosmogonies Quechua aux appétits scientifiques continentaux.
Adriana Minoliti (Buenos Aires, 1980) utilise l’espace de la peinture et de la sculpture comme refuge imaginaire pour des créatures hybrides mi-figures mi-animaux, prolongeant façon “cyborg” le rêve domesticateur moderniste. Autour de peintures produites pour l’exposition folâtrent jouets et maisons de poupée s’émancipant des clichés sexistes et anthropocentriques par des arrangements ready-made évocateurs. Fernando
Palma Rodriguez (Milpa Alta, 1963) fabrique des sculptures mécatroniques évoquant les cosmogonies Mexicas dont il est originaire ainsi que la situation écologique dramatique de son village natal de Milpa Alta, englouti depuis quelques décennies par la croissance monstrueuse de la ville de Mexico. Une nouvelle réalisation produite pour l’exposition évoque littéralement d’autres luttes similaires menées par d’autres activistes plus proches
de nous.
Enfin, le langage plastique de Gala Porras-Kim (Bogotá, 1984) s’inspire de l’univers de l’archéologie et de la muséographie pour créer des collections d’artefacts mi-réels, mi-imaginaires, défiant malicieusement – et juridiquement – les classifications culturelles établies.

Dorothée Dupuis


Sites Internet des artistes

Julien Creuzet
http://www.juliencreuzet.com/

Adriana Minoliti
http://www.minoliti.com.ar/

Ximena Garrido-Lecca
http://ximenagarridolecca.com/

Gala Porras-Kim
http://www.labor.org.mx/en/artists/gala-porras-kim/


* « The Late Shift » s’inspire des titres des premiers titres de presse quotidienne au XIXe siècle, où les références à la classe sociale des lecteurs (l’Union), aux notions idéologiques défendues dans le journal (le Progrès) où simplement à un moment de la journée (le Matin) s’incarnait dans le titre comme autant d’indices factuels destinés à forger une communauté de lecteurs.
Ici, le « Late Shift » du titre fait autant référence au « dernier quart » du travailleur qu’à un possible dernier « changement » d’époque ou de civilisation. Sommes nous les derniers spectateurs d’une humanité en déclin ? L’exposition cherche résolument à s’interroger sur ces questions, et le journal en ligne souhaite accompagner le temps de l’exposition et de l’oeuvre d’une autre temporalité, celle de l’information en ligne et des médias sociaux.


Les ateliers Internationaux du Frac

Pionnier en ce domaine, le Frac des Pays de la Loire a mis en place dès 1984 les Ateliers Internationaux. Le Frac développe par cette expérience exceptionnelle en France une activité de soutien à la création qui contribue à enrichir sa collection de manière originale. Lieu de recherche, d’échanges et de production, ces Ateliers sont un laboratoire actif et réactif.

Chaque année pendant deux mois, ils permettent aux artistes invités de travailler et de rencontrer des acteurs du monde de l’entreprise, du milieu professionnel (conservateurs, critiques d’art, galeristes) ainsi que des élèves des universités et des écoles d’art qui les assistent. Les œuvres réalisées sur place sont ensuite présentées au public.




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