vue de l exposition, © Frac des Pays de la Loire
vue de l exposition, © Frac des Pays de la Loire
vue de l exposition, © Frac des Pays de la Loire
Du 28 novembre 2002 au 9 février 2003, le Frac des Pays de la Loire présente une grande exposition consacrée à l’artiste Orlan. Pour la première fois en France, une grande exposition monographique tentera de souligner toute la cohérence et la logique profonde de son travail : de ses premières performances aux récents morphings informatiques. Ainsi, de nombreuses pièces "historiques" comme le fameux "Baiser de l’artiste" (1977), une œuvre de la collection du Frac, seront montrées aux côtés d’œuvres plus récentes à l’instar de la série des Self-hybridations et des affiches de film.
Orlan est internationalement connue pour les performances qu’elle réalise dans le contexte français des années 60-70 durant lesquelles elle partage avec de nombreux artistes un intérêt renouvelé pour le corps. Pour cette génération, il s’agissait alors d’élargir le champ de l’art à d’autres pratiques que celles, considérées comme éprouvées, de la peinture ou de la sculpture. Avec Orlan cette réflexion s’avère d’emblée plus complexe et s’incarne dans des séries d’œuvres -photographies, sculptures, performances, vidéos ...- où elle met en cause de manière radicale la possibilité d’une identité féminine individuelle.
Une de ses toutes premières œuvres intitulée "Orlan accouche d’elle-m'aime" (1964, photographie, collection privée) prend déjà valeur de manifeste. Elle y met au monde un double qui est une sculpture, un mannequin sans attribut et par conséquent une sorte de point de départ d’un processus de transformations infinies (vêtements, coiffures, prothèses, etc.). Avec Le Baiser de l’artiste, c’est le corps lui-même qui est harnaché d’une sorte de " prothèse-photomaton ". En effet, pendant la Fiac, Orlan, juchée sur ce piédestal d’un genre nouveau, harangue les visiteurs et vend des baisers en échange de quelques pièces introduites dans une sorte de machine à sous. Ce dispositif va engendrer de nombreuses scénographies qui en appelle à chaque fois au medium le plus adapté au projet ou au contexte : photographies, installations, toiles peintes, CD rom, affiches de film, etc… Si l’artiste investit de nouveaux territoires, son œuvre toutefois, est une succession de moments d’un même projet artistique.
Dans les années 80 Orlan, drapée dans des plis savants, dialogue avec l’histoire de l’art et en particulier la statuaire du Bernin : le vêtement devient corps et vice-versa, il est animé, vivant et bouillonnant. L’artiste devient sculpture et image en même temps. Ces installations sont construites en studio, elles combinent vidéo, photo, performances dans lesquelles l’image s’affirme toujours plus. Le pli baroque qui encadre le visage de "Sainte Orlan" dans ces autoportraits, préfigure cependant le champ opératoire par lequel il va être cadré pendant les opérations chirurgicales à venir, comme le souligne justement Régis Durand (Beaux-arts Magazine, mai 2002).
Avec les opérations qu'elle réalise entre 1990 et 1993, Orlan travaille sur sa propre image dans un contexte où la beauté occidentale, les "canons" bourgeois, la norme etc. sont autant d’obsessions contemporaines. Là encore, la question de l’image et des standards de la beauté s’accompagne d’une réflexion sur sa représentation dans l’art occidental. "La Venus" de Botticelli, "la Joconde" etc. viennent nourrir la majestueuse installation intitulée "Omniprésence n°2" (1993) et de nombreuses autres images photographiques. Dans "Omniprésence n°2" les photographies pré et post-opératoires du visage d’Orlan, parfois insoutenables, dialoguent avec des autoportaits hybrides combinant sa propre image et d’autres tirées de l’histoire de la peinture ou de la sculpture. Même si Orlan refuse la douleur -c'est d'ailleurs l'objet de son Manifeste de l'art charnel- au cours de ces opérations chirurgicales où tout est minutieusement préparé et pensé, ces images dérangent. Il est toujours difficile de supporter l’idée d’une atteinte à son intégrité physique autant qu’à son image, ou son apparence, et l'artiste enfreint là un tabou.
Aujourd’hui Orlan continue son investigation sur le statut du corps, en recourant au morphing, sorte de greffe informatique qu’elle opère sur son propre visage. Les logiciels utilisés permettent de suggérer que tout est virtuellement possible, l’artiste ayant atteint sans doute aussi "la limite des possibilités du corps phénoménologique" (Régis Durand). Dans cette série lumineuse des Self-hybridations (2000-2002), l’artiste interroge des visages, et des représentations, venus d’autres civilisations (pré-colombiennes, africaines …), d’autres canons, d’autres normes. Grâce à l’outil numérique, la métamorphose et la transgression de l’identité sont infinies, l’artiste soulignant "les frontières incertaines entre le vivant et l’artificiel". A l’ère des manipulations génétiques, ces séries apparaissent d’une grande actualité.
Avec Le Plan du Film, l'actuel projet monumental d'Orlan, c'est l'industrie cinématographique qui fait son entrée magistrale dans l'art. L'artiste créé des vraies affiches de film, réalisées par une entreprise spécialisée, et y recycle son iconographie personnelle et artistique : "on y retrouve des personnalités, toutes volontaires, du monde de l'art associées à d'autres du cinéma qui donnent à ces affiches un poids réel. A partir de là, on va remonter jusqu'à un vrai long métrage distribué en salle" ("Orlan", mai 2002). Avec l'affiche Catharsis, on se prend à rêver d'un film de David Cronenberg où Orlan interprèterait son propre rôle aux côté de ses amis ... Orlan persiste et mène une vaste "entreprise de déformatage" dans une attitude toujours critique vis-à-vis de la société.
catalogue édité à l'occasion de l'exposition : ORLAN
Textes de Caroline Cros, Laurent Le Bon, Vivian Rehberg, Orlan, Hans-Ulrich Obrist, Régis Durand, Julian Zugazagoitia, Eleanor Heartney, et une conversation entre Christine Buci-Glucksman et Bernard Blistène
265 pages quadri édition Flammarion / Frac des Pays de la Loire / Centre National de la Photographie
Site de l'artiste