Frac



Exposition
Patrick Tosani

du 19 mars
au 30 mai 2004
Frac, Carquefou

Au-devant des images


Figure majeure d’une photographie tour à tour qualifiée de plasticienne et/ou de néo-objective, Patrick Tosani a développé, depuis maintenant une vingtaine d’années, une œuvre aussi étrange que fascinante, une œuvre toute entière fondée sur une analyse rigoureuse des ressources constitutives du médium photographique. L’artiste y revendique l’emploi “des moyens les plus objectifs de la photographie : la précision, la frontalité des prises de vue, la netteté, la couleur, l’agrandissement” pour mieux interroger la force de l’image et mieux transformer la manière dont le spectateur est appelé à regarder des “vrais” objets banals (des cuillères, des talons, des vêtements) et récemment des “vrais” regards.

Les séries montrées au Frac apparaissent comme le prolongement d’un questionnement du corps qui en devenant image avait acquis le statut d’objet parmi d’autres. évoqué dans les Portraits “en braille” (1985), déformé avec les Ongles (1990) démesurément agrandis et enchâssés dans la blancheur d’un contrechamp, le corps est découpé avec les “Têtes vues du dessus” (1992) ou avec les corps habillés photographiés par en dessous (les CDD, 1996), le corps qui surgit enfin dans les photographies de ces visages d’enfants auréolés de tissu coloré avec la série intitulée Regards (2001) et Territoires (2002). Cette dernière fait immédiatement suite à l’ensemble des Masques (2000), ces étranges objets pleins d’humanité qui vous regardent et dont on sait qu’ils ont été réalisés à partir de pantalons photographiés “en perspective”.

Les Vêtements

Démesurément agrandis, ces vêtements disposés de manière plus ou moins aléatoire sur des chaises ou des corps jusqu’à les recouvrir sont en réalité des architectures, des enveloppes, des cabanes et même des sculptures : “Ici, les vêtements sont déshabités, mais formellement architecturés. La forme qui en résulte, assez incertaine, est suggestive d’une possible architecture, d’une architecture utopique.(...). Une architecture dans laquelle, par la monumentalité de l’image, on pourrait rentrer.”

Les Masques

A l’origine de nombre de photographies de Patrick Tosani, il y a une opération de réification manifeste. Les étranges masques qui nous regardent et qui sont tous individualisés au point que l’on pourrait presque parler de portrait, ont été réalisés à partir de pantalons. Chaque masque devient : “une sorte de tête dont la ceinture serait le contour ; l’entrejambe, le nez ; et les deux jambes, les yeux.”

Les Regards

Cette série a été réalisée en partenariat avec le musée Niépce d’abord avec des enfants de l’école des Charreaux de Châlon-sur-Saône (Regards) puis avec des enfants palestiniens scolarisés à Damas dans l’école de l’UNWRA (Territoires). Pour la première fois, les objets humanisés de Tosani sont remplacés par de vrais visages toutefois encadrés d’une sorte de chrysalide colorée et lumineuse. “ Mon objectif est de mettre en évidence une situation de mélange entre le corps et le vêtement par le phénomène de la couleur. Cette enveloppe autour du visage délimite aussi une sorte de territoire intérieur exploré par le modèle. (...) Cette question du regard serait une façon de transpercer l’apparence des visages, des corps, des objets.”

Les Chaussures de lait

Avec la série des chaussures de lait montrée dans son intégralité à l’occasion de cette exposition, Patrick Tosani achève d’explorer les possibilités du vêtement comme corps ou enveloppe : “ le corps y est absent et pourtant incarné par le lait, qui envahit la forme et déborde dans l’environnement.”

L’exposition Au devant des images témoigne de l’intérêt jamais démenti du Frac pour le travail de Patrick Tosani, artiste invité lors des Premiers Ateliers Internationaux à Fontevraud en 1985 et désormais présent de manière significative dans la collection.


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