Frac



Ateliers internationaux
SUPER

du 21 janvier
au 12 mars 2006
Frac, Carquefou

DIX-NEUVIÈMES ATELIERS INTERNATIONAUX DU FRAC


Le Fonds régional d’art contemporain des Pays de la Loire inaugure avec l’exposition Super la XIXe édition des Ateliers Internationaux. Celle-ci réunit Pascal Bircher, Jan Christensen, François Curlet, H.H. Lim, Nicolas Moulin, Kristina Solomoukha, TTrioreau. Ces artistes ont résidé de mi-novembre 2005 à mi-janvier 2006 dans les ateliers du Frac à Carquefou.


Catalogue de l'exposition


Pionnier en ce domaine, le Frac des Pays de la Loire a initié les Ateliers Internationaux dès 1984, à l’abbaye de Fontevraud. Le Frac des Pays de la Loire développe par cette expérience exceptionnelle en France une activité de soutien à la création qui contribue à enrichir sa collection de manière originale.

Lieu de recherche, d’échanges et de production, ces Ateliers sont un laboratoire actif et réactif. Les artistes invités offrent au public la restitution filtrée de ce temps d’énergie en une œuvre et sa prolongation dans l’exposition, conçue comme une rencontre dynamique. Ces ateliers feront l’objet d’un catalogue, avec des textes de Vincent Labaume, Claire Guezengar, Leif Magne Tangen, Jean-Paul Jacquet, Hou Hanru, François Piron, Damien Sausset. Conception graphique : Yann Rondeau.


Pascal Bircher

né en 1972 en Angleterre, vit aujourd’hui à Paris.
Il utilise des médiums aussi variés que la sculpture, la peinture, la photographie, l’installation, la performance ou encore l’image en mouvement.

Pour l’exposition Super, il rend compte de la diversité de sa démarche en proposant plusieurs pièces disséminées dans l’espace d’exposition. Pièce hyperréaliste, But you get up again (Mais tu te relèves) revisite le genre très ancien qu’est l’autoportrait dans une proposition à l’impact visuel direct, entre effroi et fascination. L’installation Retrospective forecast (Prévision rétrospective) opère le condensé fulgurant d’une époque (1980-2000) autour du motif du crâne, et s’autorise une relecture ludique de l’histoire de la Vanité. Réactivant la technique employée par Andy Warhol pour ses boîtes Brillo (contreplaqué, acrylique et sérigraphie), Tearbox (Larme artificielle) est la réplique d’une boîte de larmes articifielles agrandie à la taille de l’artiste, qui via l’autofiction interroge le factice et le simulacre. Parfois, tout est à la surface joue de registres contradictoires : la puissance désuète du godet de pelleteuse rencontre la fragilité du reflet narcissique dans une œuvre qui affronte courageusement la problématique du readymade aujourd’hui. Enfin, l’installation minimale Roundabout (Rond-point) met en boucle une phrase de Martin Heidegger et suggère au spectateur une perte de repères spaciaux autant que philosophiques.

L’ensemble renvoie à une forme d’autofiction, où l’emprunt, la citation, le collage, le cut-up amorcent des micro-récits feuilletés à reconstituer.


Jan Christensen


né en 1977 à Copenhague
pratique la peinture, la sculpture, l’installation, et poursuit également une activité curatoriale. Ses projets, souvent envisagés in situ, se déploient monumentalement dans l’espace.

Pour le Frac, il propose un immense wall painting méticuleusement pensé et conçu sur ordinateur avant d’être réalisé sur place. Techniquement, il dessine parfois au cutter pour un rendu hard edge parfait, ou au contraire accentue la visibilité du geste pictural. Puisant dans un spectre très large de références visuelles, son travail convoque l’esthétique expressionniste un peu agressive inspirée des graffiti, le dessin d’architecture, le graphisme industriel, et les éléments intimes que sont les croquis préparatoires ou les prises de notes aux allures brouillonnes. L’œuvre est plutôt narrative dans son mode de composition et recycle tout : l’architecture du lieu, le paysage, les évènements contextuels, les propositions des différents artistes invités et l’univers personnel de Jan Christensen. Un énorme mix qui se décline dans une gamme de couleurs vives aux accents pop pour un impact visuel spectaculaire. L’ensemble s’intitule Everybody thinks it means too much (Tout le monde y voit trop de choses), allusion amusée au caractère foisonnant de cette réalisation, autant qu’à la propension du spectateur à surévaluer le sens de l’œuvre artistique.


François Curlet


né à Paris en 1967, vit à Château-Gontier (Bazouges), après une vie en Belgique.

François Curlet produit des œuvres qui reposent sur le principe d’incrustation ou de commutation. Des éléments d’objets, ou de langage, sont isolés puis rassemblés de façon à produire du sens, à interroger une situation, ou à dévoiler un aspect inaperçu du réel. Par les rapprochements improbables, les changements d’échelles et les collusions de matières, les pièces de François Curlet procèdent à des glissements de sens, à des dérapages sémantiques, dans un propos souvent surréalisant, frontal et drôle.

Il conçoit à l’occasion des XIXe Ateliers Internationaux un projet de résidence délocalisée intitulée Résidence à domicile. Installant littéralement le déplacement au centre de l’espace d’exposition en la présence d’une embarcation, François Curlet nous livre quelques clefs pour s’orienter - ou se désorienter - au gré des méandres de sa pensée dans le texte suivant, intitulé L’Angelus de Funès : “A l’heure de l’Angelus de Millet, Dali régla sa montre sur une interprétation paranoïaque : aux pieds du couple de paysans se trouve un cercueil recouvert par Millet après coup. Vérification fut faite aux rayons X et Salvador avait vu juste. L’objet flottant qu’est la barque est un véhicule-cercueil pour vivant avec son reflet dans l’eau qui évoque la présence de celui-ci sous la peinture. Un outil qui est également un objet de mort potentiel avec la pratique de la pêche. Louis de Funès, quant à lui, vivait dans la région de Nantes, non loin du Frac des Pays de la Loire, amateur de pêche et transbahutant une barque sur le toit d’une D.S à l’occasion du film Les Aventures de rabbi Jacob. En résidence d’artiste invité par le Frac des Pays de la Loire, habitant depuis peu dans cette région et ayant à l’instar du Frac un parc, je proposais une résidence à domicile avec en témoin un panneau résidentiel muni du logo du Frac planté dans le parc du domicile le temps du séjour. Ce panneau est réinstallé dans le parc du Frac avec, également, une image souvenir du panneau dans la salle d’exposition. Entre les deux, un GPS confirmera la localisation de ces deux preuves. Pendant la durée de la résidence à domicile, ce temps défini amènera une barque produite à l’occasion et installée au final dans l’exposition de groupe des résidents comme témoignage du temps privé. Une cascade miniature d’analogies est née de cette invitation...”


H.H. Lim


est né en Malaisie en 1954.
Diplômé de l’Académie des beaux-arts de Rome, il vit dans la capitale italienne depuis plus de 20 ans.
Son travail accueille toutes les données communicationnelles qui touchent l’artiste, qu’elles proviennent des journaux, de la télévision, de la radio ou des rencontres qui jalonnent son itinéraire international. Depuis cinq années, le langage des signes est un élément central de son univers. “Mes fusions mots-images contiennent toutes les informations de l’histoire humaine, et j’aime leur fulgurance : en une seule image, il y a tout”, dit-il.

Pour l’exposition, H.H.Lim a puisé dans le contexte de sa vie en résidence à Carquefou. Sur toute la longueur d’un mur, il dessine les nombreuses personnes croisées sur place ainsi que sa propre image démultipliée. Chaque figure émet un signe qui représente un mot, et incarne par là même cette fusion entre mots et images. Selon H.H. Lim, l’action et le mouvement sont au coeur de la pratique du dessin. C’est la raison pour laquelle l’artiste aime fréquemment relier la performance au wall drawing. Au Frac, il propose une vidéo qui témoigne d’une performance réalisée en 1999, intitulée Almost 66 kg of wisdom (Presque 66 kg de sagesse) : l’artiste, en équilibre sur un ballon, interroge avec un brin d’humour sa capacité à éviter la chute, et délivre une action dont tout le monde peut s’emparer, au-delà des barrières.


Nicolas Moulin

né à Paris en 1970, vit entre Paris et Berlin, où il produit des installations, de la vidéo, des photographies et du son.
Il s’attache à fabriquer des fictions sans narration inspirées de la littérature et du cinéma d’anticipation. Archiviste, arpenteur de l’urbain et du non-urbain, spationaute, Nicolas Moulin semble élaborer une cartographie implicite de l’humain en devenir. L’ensemble de son travail met les spectateurs à l’épreuve de glissements spatio-temporels.

A l’extérieur du Frac, il installe une sculpture verticale acérée, réappropriation d’un symbole de la modernité mise en scène dans Rollerball, film culte de la SF tourné en 1975 par Norman Jewison. En dialogue tendu avec le paysage, l’œuvre ouvre une brèche de fiction dans la réalité, et renvoie en filigrane le spectateur à l’environnement urbain de Carquefou. A l’intérieur de l’espace d’exposition, Nicolas Moulin place une photographie au contenu elliptique : deux personnes vues de dos visent une cible improbable, vision également issue de Rollerball. Autre inclusion des projections d’un futur à l’intérieur d’un présent, autre approche de la fiction, l’image dégage une atmosphère étrange de décadence infinie et interroge l’actualité sur un mode quasi-romantique. Un vertige confirmé par la boucle sonore réalisée par l’artiste : une voix subliminale et métallique traverse l’espace d’exposition pour nous rappeler que la vie est magnifique.


Kristina Solomoukha

née en Ukraine en 1971, vit aujourd’hui à Paris.
Elle développe depuis plusieurs années un travail très urbanistique, où la ville et l’espace urbain ne forment pas une thématique, plutôt un médium. Revenant d’une résidence à Sao Paulo, l’artiste propose une réflexion photographique et filmique sur cette ville impensable, qui évoque les écrits de Rem Koolhaas dans La Ville Générique.

Pour l’exposition, Kristina Solomoukha présente une vidéo intitulée City of continuous present (Ville du présent permanent) : prises d’un hélicoptère survolant Sao Paulo, les images interrogent l’identité spatiale et temporelle de lieux tels que les échangeurs autoroutiers, les bretelles, les gares, les aéroports, et propose l’expérience d’une perte de repères. Autre projet réalisé pour le Frac : l’installation Shedding identity (Identité permutable), composée de caissons lumineux disposés au sol, à la manière d’une maquette de ville. Sur certains caissons, deux films photographiques contrecollés tissent des liens formels et thématiques entre architecture et publicité, bâtiments et identité urbaine, rapports extérieur et intérieur. L’ensemble amorce une lecture critique de l’environnement rencontré à Sao Paulo, et de l’idéologie qui le compose.

Kristina Solomoukha propose enfin un éclairage inattendu venant de l’écriture : l’artiste a commandé à l’auteur Vincent Labaume une fiction qui lierait Sao Paulo et Carquefou, une oeuvre en lisière de l’oeuvre, porteuse programmatique d’un grand écart spatio-temporel.


TTrioreau (Hervé Trioreau)

né en 1974, vit à Paris.
Agissant sur la structure même de l’espace construit, les propositions de TTrioreau mettent en place des déplacements qui perturbent notre perception et désignent de façon politique le caractère normatif de l’architecture.

Pour le Frac des Pays de la Loire, il réalise une maquette de la salle d’exposition en plexiglas miroir. Représentation en même temps que reflet de l’espace de monstration, jeu sur les rapports extériorité-intériorité, cet objet intègre également, en les reflétant, les œuvres des autres artistes invités et sème le trouble. En effet, TTrioreau place à l’intérieur de cette maquette une fausse cloison en inox miroir positionnée légèrement de biais, projet qu’il envisageait initialement de produire à l’échelle de l’espace réel. Il casse ainsi l’espace parallélépipèdique, le cube blanc, de la salle d’exposition, et déstabilise le regard. Par ailleurs, en clin d’oeil à la résidence, TTrioreau reprend de manière homothétique cette cloison et la transforme en lame de rasoir à double-tranchant. Cet objet, produit en série de sept multiples, renvoie à la notion de découpage de l’architecture ainsi que, plus malicieusement, au nombre d’artistes invités. Enfin, TTrioreau choisit de souligner de néons les fissures du vitrage du Frac. Nées de l’affaissement du bâtiment et de la tension du béton sur le verre, ces marques témoignent de l’histoire structurelle du lieu.

Cet ensemble de propositions, discret hommage à Gordon Matta-Clark, rend compte avec cohérence de la spécificité de la démarche de l’artiste. TTrioreau renouvelle le point de vue sur un espace en tranchant, en fragmentant l’architecture et sait rendre visible les symptômes enfouis d’une architecture en mouvement.