Frac



Exposition
Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent

du 20 avril
au 7 octobre 2007
Garenne Lemot, Clisson

carte blanche à Pierre Giquel

Jean-Luc Blanc, Patrice Carré, Tony Carter, Patrick Corillon, Christelle Familiari, Anna Gaskell, Laurel Katz, Jean-Claude Latil, Ange Leccia, Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau, Laurent Moriceau, Johan Muyle, Patrick Neu, Marcel Odenbach, Roman Ondak, Florence Paradeis, Jack Pierson, Liza May Post, Présence Panchounette, Jean-Jacques Rullier, Jean-Michel Sanejouand, Miri Segal, Didier Trenet, Kara Walker

Œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire


Domaine départemental de la Garenne Lemot

Route de Poitiers / RN149
44190 Gétigné-Clisson


« Nous avons bu à la mémoire du Bien-Aimé un vin qui nous a enivrés avant la création de la vigne »
Ibn Al Fâridh (1181-1235)

A la question d’un journaliste à un homme politique (1) à la réputation d’opportuniste, la réponse fut sans détour : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. » Il était opportun de s’approprier ces mots, et les détourner, pour constituer le titre de l’actuelle exposition. Cette réponse avait sans doute la faculté de proposer une nouvelle vision de l’orientation. Il semblait sensible, dans le cadre d’un choix d’œuvres à opérer dans une collection, de souligner le rôle qui échoit au sens lorsque celui-ci tourne. En d’autres termes, cette exposition se veut une ode à la Grande Beuverie, titre d’un ouvrage de René Daumal. Ce dernier fut en effet un grand découvreur de territoires aussi inhabituels, irréels, paniquants que plausibles.

Sont ici retenues des œuvres douées d’une capacité particulière à tituber, et à nous faire tituber, des œuvres mobiles, ivres, peu sujettes à nous rassurer. Ce qui les légitime pourrait s’apparenter à la perte de l’équilibre, aux ombres, aux duplicités, à la chimère, à des hallucinations, afin que le visiteur devienne à son tour poète, unijambiste pourquoi pas, jongleur, auteur d’un récit qu’il construit au gré de sa promenade, fantôme dans des espaces glissants, incertains. Le monde des apparences et des évidences changé soudainement en univers délocalisé, changeur de formes, échangeur de mots. Un monde aux certitudes géographiques transformées, où les désirs échappent aux convenances, où l’enfance est interpellée parfois violemment, où le cauchemar se substitue au rêve. Un monde qui boîte !

L’occasion est ainsi donnée d’aborder des corps et des univers chancelants, d’interroger notre position de spectateur, mettre en doute la réalité, refuser la rationalité. Comme dans les jeux visuels de Muyle, ou les étonnants renversements offerts par Présence Panchounette, le déséquilibre avec Laurel Katz, Miri Segal, Tony Carter, l’apparente paix avec Jean-Claude Latil, les corps perturbés de Liza May Post, l’inquiétant dialogue entre deux vidéo avec Odenbach. Les dessins tremblants de Didier Trenet, tout aussi perturbants et drôles ou cinglants de Petra Mrzyk et Jean-Francois Moriceau, offensifs de Kara Walker, lancinants et porteurs d’abîmes de Roman Ondak, dressent une cartographie désarçonnante du monde. Ailleurs, persistance du désir et déclarations amoureuses avec Ange Leccia, Christelle Familiari, Jack Pierson, plongée dans les espaces du rêve avec les photographies de Florence Paradeis, ou les songes de Jean-Jacques Rullier, le rêve encore avec la sculpture de Patrick Neu, diffusion et réactivation d’un concours de blagues avec Laurent Moriceau, enfances paradoxales avec Anna Gaskell, Jean-Luc Blanc, Patrice Carré…

L’ivresse ouvre des espaces poétiques où se trouvent convoqués des formes inattendues, des lapsus, des rires, où les bizarreries forment de curieuses liaisons qui nous invitent à suivre les conseils d’un Charles Baudelaire d’actualité, décidément : « Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. » (2) A quoi répond comme en écho fraternel la Khamriya d’Ibn Al Fâridh : « Près de ses tavernes, le paralytique marche et les muets se mettent à parler au souvenir de sa saveur.»

Pierre Giquel, janvier 2007

(1)Edgar Faure (2) Le Spleen de Paris, Charles Baudelaire