vue de l'exposition Michael Blum, Ciao Ghatoul, Frac des Pays de la Loire, 2008
cl : Marc Domage - © Frac des Pays de la Loire
vue de l'exposition Michael Blum, Ciao Ghatoul, Frac des Pays de la Loire, 2008
cl : Marc Domage - © Frac des Pays de la Loire
vue de l'exposition Michael Blum, Ciao Ghatoul, Frac des Pays de la Loire, 2008
cl : Marc Domage - © Frac des Pays de la Loire
vue de l'exposition Michael Blum, Ciao Ghatoul, Frac des Pays de la Loire, 2008
cl : Marc Domage - © Frac des Pays de la Loire
Dans le cadre des Instantanés de la salle Mario Toran, le Fonds régional d’art contemporain des Pays de la Loire invite l’artiste Michael Blum à présenter son récent projet, une installation vidéographique intitulée Ciao Ghatoul.
Tel-Aviv, 2007. Un homme perd patience face aux miaulements répétés d’un chat errant. Il décide tout simplement d’expulser l’animal en Cisjordanie.
Représailles, enlèvement et déportation : ces mots dramatiques décrivent habituellement le traitement infligé à certains humains. Dans Ciao Ghatoul (que l’on pourrait traduire par Salut Minou) ils s’appliquent à un chat et répondent à un enjeu presque futile. Ce qui débute par une confrontation comique entre un homme qui essaie de trouver le sommeil et un chat quémandant un peu d’attention s’achève en lutte pour atteindre une destination inconnue.
Un kidnapping donc, puis un voyage rendu long et complexe par l’occupation israëlienne et le morcellement géographique qu’elle induit. S’élabore, au gré de ce périple motivé par une broutille domestique, un roadmovie fantasque où les notions de territoire, de frontière, de liberté affleurent en permanence. La fonction du «mur de séparation» y est analysée sur un mode léger (où est le dedans, où est le dehors ?), soulignée avec humour par la présence d’un wallpaper (le motif stylisé d’un chaton reproduit à l’infini, imprimé sur un drap dans la vidéo, et dont la couleur vert pomme se trouve être celle de l’islam et du Hamas en particulier). Enfin, l’obligatoire trilinguisme hébreu-arabe-anglais se transforme ici en un radical no-linguisme (tous les personnages sont muets mis à part le chat qui miaule sans arrêt).
Ce curieux voyage en images recèle un travail de montage élaboré, notamment en ce qui concerne la bande-son, fruit d’un long travail de post-production. «Il n’y a de vérité qui ne soit fabriquée...», dit l’artiste.
Remarqué à la 9e Biennale d’Istambul en 2005 avec les œuvres A tribute to Safiye Behar et 20 minutes with Melik Tutuncu, Michael Blum (né en 1966 à Jérusalem, vivant aujourd’hui à Vienne, Autriche) propose une relecture à la fois critique et humoristique de la culture, de l’histoire et de l’économie politique. Dans My sneakers (vidéo, 2001), il enquête en Indonésie pour retrouver le lieu de fabrication de sa paire de Nike achetée en soldes à Paris et fait jaillir de l’intime une réflexion géopolitique. Le même type de «grand écart» entre échelle individuelle et nationale/internationale sous-tend son film 17 Aandbloem Street, tourné en 2003 à Cape Town : il y démêle les rapports de pouvoir et les petites histoires entre voisins d’une résidence, ralliant l’hyper-local à une dimension sociologique et politique bien plus vaste, dix années après la chute de l’Apartheid.
Et ce même regard attentif aux multiples lectures de l’histoire informe encore l’installation qu’il présente à Amsterdam en 2006, dans une atmosphère de reconstitution signée Madame Tussauds. Il y ausculte patiemment le passé obscur de la banque juive néerlandaise Lippmann Rosenthal & Co (dont le bâtiment est aujourd’hui devenu le centre d’art De Appel), en compulsant les archives de l’entreprise tout comme en faisant intervenir une voyante sur les lieux.
S’ancrant dans un plaisir narratif évident, la démarche de Michael Blum tient autant de la recherche historique, de la fouille archéologique que de l’investigation policière, à cheval entre le documentaire et la fiction. «Je ne détiens aucune vérité, déclare-t-il, un concept éminemment flexible, de toutes les façons. Ce qui me paraît essentiel, c’est que j’agis en tant qu’artiste et non en tant qu’historien. Si j’étais historien, je n’avancerais rien dont je ne sois absolument sûr ; mais en qualité d’artiste, je suis libre de spéculer. Et d’une manière générale, mon travail artistique s’attache à relire le mythe, la construction et la fictionnalisation de l’histoire.»
Eva Prouteau