Neal Beggs, if muhammad, 2008
œuvre de la collection du Frac des Pays de la Loire
cl : Marc Domage - © Frac des Pays de la Loire
Neal Beggs, if muhammad, 2008
œuvre de la collection du Frac des Pays de la Loire
cl : Vaïda Budreviciuté - © Frac des Pays de la Loire
œuvre murale
Neal Beggs est né en 1959 à Lane en Irlande du Nord.
Il vit à Nantes.
Depuis 2006, le grand mur du hall d’accueil du Frac est investi par des artistes. Dans ce cadre, Le Frac expose à partir du 19 mars 2010, un mur peint de Neal Beggs. Le travail de cet artiste se situe dans une certaine tradition anglo-saxone de «lifestyle», ce qui signifie, un mélange d’art et de vie, cher à Allan Kapprow, mais sans être sujet de performance. Pour Neal Beggs, il ne s’agit que de vie. Le projet qu’il envisage pour le mur du hall d’accueil du Frac est basé sur le vieux proverbe «Si la montagne ne va pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne».
Texte de Neal Beggs, 9 novembre 2009
On s’accorde généralement à dire que ce qui caractérise l’œuvre singulière réside dans son ou ses point(s) d’origine. Mais des divergences subsistent quant à la nécessité ou non de connaître ces « points » afin de comprendre, d’apprécier et de profiter de l’œuvre. Comme beaucoup, je ne le pense pas. Une œuvre réussie fonde son origine singulière, réelle ou non, et la transmet sans faire appel à aucun texte. Mais cela ne signifie pas que quelques informations sur le contexte ne soient pas utiles. Cela peut poser problème quand ces informations sont considérées comme l’unique signification de l’œuvre, ou comme le principal discours revendiqué par l’œuvre : « On risque, en ouvrant une porte, d’en fermer plusieurs autres. » Voilà pourquoi, if muhammad ne devrait pas être envisagé du seul point de vue du proverbe dont il procède. Le lien entre les deux est réel, mais non pas linéaire. Il s’agit plutôt d’un « saut » ou d’une série d’hyperliens spontanés en passe de résoudre un problème plastique à l’écho tenace et persistant... « Si la montagne ne va pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne » – qui contrairement à la croyance populaire ne provient pas du Coran, mais d’une légende.
On raconte qu’un jour…
« Le prophète Mahomet prêchait la foule. Pour preuve des enseignements du prophète, la foule exigea d’assister à un miracle. Le prophète Mahomet accepta et déclara qu’il allait prier que Dieu ordonne à la montagne de venir à lui, après quoi la foule rendrait gloire à Dieu d’avoir exaucer sa prière. Le prophète pria, mais la montagne ne bougea pas. Là-dessus, Mahomet déclara que, si la montagne ne venait pas à Mahomet, Mahomet irait à la montagne, ajoutant que Dieu avait fait preuve de miséricorde envers le peuple incrédule. Car si Dieu avait permis à la montagne de venir à Mahomet, tous auraient été écrasés ! »
Voilà donc l’origine du proverbe, qui n’existait que dans la tradition orale jusqu’à ce qu’en 1625, le philosophe anglais Francis Bacon vulgarise l’histoire dans ses Essais. L’adage est d’usage courant aujourd’hui. La simplicité et l’humilité de son pragmatisme, alliée à l’ironie de sa diplomatie, en fait une expression parfaitement appropriée à d’innombrables situations de compromis avec un objet, une personne ou une institution intraitable ou inflexible. Le succès de ce proverbe a conduit à sa déclinaison, en la version suivante : « Ah ! La montagne est venue à Mahomet ! », qui marque la surprise que l’inébranlable se soit de fait déplacé jusqu’à nous. L’interprétation inverse existe également : « Si Mahomet ne va pas à la montagne, la montagne viendra à Mahomet. » La différence est subtile, mais le résultat est le même. Mahomet et la montagne finissent par se rencontrer. Et c’est la situation que l’on retrouve dans le dessin, l’image topographique d’une montagne procédant du nom de Mahomet. L’image n’est pas tout à fait tautologique, en ce que la montagne n’explique pas Mahomet, et que Mahomet n’explique pas la montagne. Mais, en tant que forme, les deux ne forment clairement qu’une seule et même chose. Et c’est peut-être là que réside la signification ou l’origine de l’œuvre : dans la superposition de la langue et de la forme – quand la langue développe la forme et que les formes, naturelles ou produites par l’homme, développent la langue.
Il n’y aurait peut-être rien à rajouter sans ce petit « si » qui suggère une condition. Comment interpréter ce « si », si nous ne connaissons pas le proverbe ou si nous ne faisons pas le lien dans notre langue ou si nous n’avons pas lu ce texte ? if muhammad est-il le nom d’un groupe de pop, d’un boxeur ? Est-ce une carte ! Ou autre chose encore... ?