vue de l'exposition Bevis Martin et Charlie Youle "2500 pensées par seconde", Frac des Pays de la Loire, 2015
vue de l'exposition Bevis Martin et Charlie Youle "2500 pensées par seconde", Frac des Pays de la Loire, 2015
vue de l'exposition Bevis Martin et Charlie Youle "2500 pensées par seconde", Frac des Pays de la Loire, 2015
vue de l'exposition Bevis Martin et Charlie Youle "2500 pensées par seconde", Frac des Pays de la Loire, 2015
vue de l'exposition Bevis Martin et Charlie Youle "2500 pensées par seconde", Frac des Pays de la Loire, 2015
salle Mario Toran
Dans le cadre des instantanés, le Frac des Pays de la Loire a le plaisir d’inviter Bevis Martin et Charlie Youle, deux jeunes artistes vivant à Nantes. L’exposition 2500 pensées par seconde est présentée du 31 janvier au 12 avril 2015, salle Mario Toran.
D’où vient cette obsession pour la chose scientifique ? Peut-être remonte-t-elle à l’enfance, quand leur fascination pour les images des manuels scolaires recouvrait la voix de leur professeur de mathématique. En cela Bevis Martin & Charlie Youle furent-ils des artistes précoces ? C’est dans l’hémisphère inopérant de l’image pédagogique, la zone trouble située dans l’illustration même des sciences exactes qu’ils trouvent leurs stimuli poétiques. Ainsi l’ensemble de sculptures et de peintures énigmatiques de la série Obstacles (2013) prenaient-ils pour modèle une herméneutique usagée empruntée à l’iconographie pédagogique. Martin & Youle, qui conjurent le mythe de la signature par son dédoublement, s’attaquent à celui de l’inspiration en se donnant des devoirs à faire. Toutes les formes qui adviennent entre leurs quatre mains sont déduites de savoirs incomplets, de traductions approximatives, d’interprétations déviantes, le plus souvent dictées par des esprits innocents et avides de connaissance, tels les biologistes en herbe qui leur suggèrent les (libres) compositions anatomiques en bas relief de céramique pour la série Inside (2012). C’est ainsi que les artistes travaillent à améliorer l’inadéquation originelle entre l’idée et son image, qu’ils ramifient la branche fabuleuse menant au vrai par l’assimilation du faux ou encore, encouragent la confusion entre la représentation et la métaphore.
Mais le jeu d’enfant est rarement innocent et l’humour de Martin & Youle assez grinçant pour situer ainsi l’expérience esthétique dans l’écart ménagé par l’incompréhension, pire, le malentendu. Armés des techniques d’Art and Craft les mieux réputés dans l’animation culturelle, Bevis Martin & Charlie Youle se sont fait spécialistes des questions restées sans réponse dans le domaine de l’art comme de l’astrophysique ou des neurosciences. Mais quand ils traitent du mystère de la création à l’échelle cosmique ou biologique, c’est pour en revenir au sujet de départ. Autrement dit, la compréhension des phénomènes responsables de la formation de l’univers ou du poussin dans l’œuf pourrait n’être qu’une méthode pour approcher une autre question tabou : d’où proviennent les formes de l’art ?
Dans une probable reconstitution de décor baroque, qui témoignerait du goût curieux d’un de ces mécènes chez qui les pièces portent le nom d’une allégorie - comme « la chambre de Psyché » -, la salle Mario Toran recentre la réflexion au plus près de son sujet. Cette salle immaculée serait dédiée à la conception de toutes choses, à toutes les images et toutes les abstractions, également impures car aucun esprit, même le plus naïf, n’est jamais vierge. Le siège des perceptions et du jugement (de goût, par exemple) reconnaitrait ici sa matière première, plastique et malléable à l’infini.
Julie Portier