Frac



Exposition
Instantané (89) : Luis Ernesto Arocha, Chris Shaw

du 19 septembre
au 4 octobre 2015
Frac, Carquefou

Instantané (89) : Luis Ernesto Arocha, Chris Shaw


Luis Ernesto Arocha


À la fin des années 1950, Luis Ernesto Arocha gravite autour du Groupe de Barranquilla regroupant écrivains, philosophes et artistes qui font de cette ville côtière l’un des centres intellectuels les plus importants des Caraïbes depuis 1940.
Après avoir suivi des études d’architecture à l’Université de Tulane (Nouvelle Orléans), il débute sa carrière de cinéaste dans les années 1960 à New York, collaborant entre autres avec le milieu underground de l’époque dont la Factory d’Andy Warhol. Il réalise notamment à cette époque une performance filmique en projetant sur le corps de la star warholienne Mario Montez. En janvier 1967, la New York Filmmakers Cinematheque lui consacre une séance sous l’intitulé « L’humour macabre de Luis Ernesto Arocha », durant laquelle il présente nombre de ses films. Il collabore également avec l’artiste colombienne Feliza Bursztyn, transformant ses sculptures en de véritables symphonies visuelles décalées.

L’attrait de Luis Ernesto Arocha pour le carnaval, la mascarade et l’ironie l’amène à réaliser la trilogie documentaire La ópera del mondongo o al Mal tiempo buena cara (1973) : produits par Bolivariana Films, ces trois courts-métrages questionnent le carnaval de Barranquilla à travers sa musique, ses costumes et sa critique sociale. Arocha y décrit une ville en dépression, marquée par les pénuries d’eau potable, d’hygiène et de services publics élémentaires pour laquelle le mois du carnaval semble constituer le seul échappatoire à sa réalité. Ce projet a remporté l’India Catalina d’or au festival international du film de Carthagène. S’il continue aujourd’hui de tourner avec la même nonchalance, la même énergie et la même ironie (son dernier projet en date narre les aventures d’un vampire végétarien), Luis Ernesto Arocha est aussi devenu une source d’inspiration pour de nombreux jeunes artistes colombiens, de Barranquilla à Carthagène en passant par Puerto Colombia.

Le Frac présente aussi deux autres film Las ventanas de salcedo (1965) et Azilef (1971).

Le Frac des Pays de la Loire (Carquefou), le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur (Marseille), La Maison rouge, Fondation Antoine de Galbert (Paris), Passerelle Centre d’art contemporain (Brest) et le Centre d’art contemporain La Halle des bouchers (Vienne) s’associent pour consacrer une série d’expositions et de projections au travail de Luis Ernesto Arocha.
Dans le cadre de FRACO, plateforme d’échanges entre professionnels de l’art contemporain français et colombiens.


Chris Shaw

16 photographies de la série Night Porter, 1989-2008
Œuvres de la collection des Pays de la Loire, acquises en 2014


Mon premier livre, Life as a Night Porter (Twin Palms, 2005), forme une série photographique qui documente mon travail de nuit pendant dix ans dans les hôtels londoniens – le livre s’inspire du format du portfolio de tirages originaux. Dans une interview que j’ai donnée, intitulée « It’s Night Porter not Ansel Adams », à la fin de Before and After Night Porter (Kehrer, 2012), je parle de ma pratique de photographe classique en noir et blanc et de comment cette pratique a été façonnée par le hasard, les erreurs, les facteurs physiques comme la fatigue, l’expérimentation, ainsi que le manque de temps et d’argent. Beaucoup ne considéreraient sans doute pas mon travail brut, libre, comme « classique » ; mais à l’ère numérique, alors que la norme visuelle se fait de plus en plus propre et impeccable, je continue à repenser la tradition de la prise de vue, puis à développer et à tirer mes négatifs moi-même. Je lutte pour la permanence, pour l’archivage du physique, pour la fixation par la lumière et sur le papier d’un lieu dans le temps.

Je suis obsédé par la nature et la réalité imparfaites du tirage photographique. Ce que j’aime dans ces photographies, c’est la grande part de ce que j’appelle la « rencontre fortuite », les moments où j’étais tellement fatigué que les artifices et techniques photographiques m’échappaient. Je prenais juste des photos pour rester réveillé. C’était sans art. Les gens que je photographiais, les péripéties du fantastique social donnaient une intensité et une lumière à toute ma nuit… L’ensemble que constitue le livre forme un véritable hôtel de mon imagination, construit à partir de plusieurs hôtels, dans lesquels j’ai travaillé et certains où j’ai séjourné en tant que client. En réalité, ces hôtels ressemblent peu ou pas à mes images réelles. Tout dépend de la façon dont on voit les choses. Quant à la période, les seize photographies choisies par le Frac couvrent les années 1989-2012, dont dix de travail comme veilleur de nuit à Londres (1993-2003). Certaines montrent également ma maison londonienne, à l’époque le TPH, le Tufnell Park Hilton ; ma vie à Paris – entre 2005 et 2007, par exemple, j’ai occupé chaque chambre de l’hôtel El Dorado, près de la place de Clichy (photographie intitulée Hotels They All Look the Same). Les seize tirages montrent un état d’esprit plus qu’un lieu précis ou une époque. Et que je sois client de l’hôtel ou que j’y travaille, j’ai pour philosophie que le ciel et l’enfer résident sur terre et qu’il est possible, comme dans les hôtels, de vivre, séjourner ou travailler dans l’un et dans l’autre.