Une action pour le syndicat d'initiative
Départ du voilier le jeudi 24 septembre 2015 à 15h30
quai Fernand Crouan à Nantes.
fin provisoire de l'expédition :
L'hélicoptère ne fait pas de bruit.
La tête sous l'eau.
Le lien est coupé. La mer est bonne.
Tous les deux la même sensation, la mer est bonne.
Nous n'avons plus qu'un pantalon et un pull, une veste, des bottes et des papiers.
À Gijón nous achetons des chaussures et une glace.
Partie sur les traces d'une expédition échouée, d'un bateau qui a sombré, je suis fataliste.
C'est une évidence soudaine, 100 ans plus tôt en octobre 1915, Shackleton abandonne l'Endurance.
Toute cette dépense d'énergie, la part maudite.
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Le bateau est rentré.
Il a continué sans nous jusqu'à ce que le Bienvenue le remorque.
Dans sa dérive, la route d'un cargo.
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Repartir.
Retrouver des envies.
Nous ne voulons pas recommencer. Nous l'avons fait.
Indigence oblige, nous poursuivrons à pied.
https://www.google.com/maps/d/edit?hl=fr&authuser=0&mid=zxh2ojB958vo.koOLvjWHppyA
Les Suivants est le projet d’Elodie Brémaud, diplômée de l’école des Beaux-Arts d’Angers en 2009 et qui vit actuellement à l’Ile d’Yeu.
Intéressée par les explorations, les expéditions, les aventures, l’artiste ne vise cependant jamais l’exploit, la performance au sens strict du terme. Au contraire, à travers des gestes, des actions, des voyages absurdes et souvent solitaires, elle cherche à donner corps à la notion de défi en tant que dynamique intrinsèque à l’action, hors de toute efficacité.
Nourrie des pratiques performatives des années 60, notamment Fluxus, la jeune artiste se joue sans cesse des contraintes et possibilités du médium et de l’institution artistique, interroge les dynamiques collectives, les modalités de récit, le rôle de l’imaginaire dans nos conduites. Entre fictions évocatrices et documentation, ses productions jouent volontiers avec les registres de l’indice, de l’empreinte, voire de l’emprunt.
L’action qu’elle a amorcé en septembre 2015, et qui devait se dérouler sur 9 à 10 mois, la mena sur les traces de la célèbre, quoique malchanceuse, expédition d’Ernest Shackelton, explorateur du début du XXe siècle. Celui-ci embarqua, en 1914, avec 28 hommes d’équipage, à bord de l’Endurance, pour un voyage dont l’objectif était d’effectuer la première traversée à pied de l’Antarctique. Ils ne revinrent, sains et saufs, que trois ans plus tard, à l’issue d’une dérive rocambolesque, au cours de laquelle ils perdirent leur bateau broyé par les glaces. De cette errance miraculeuse, nous conservons des documents exceptionnels, images prises par le photographe du bord et journaux personnels écrits par les membres de l’équipage à la demande expresse de leur capitaine.
C’est donc sur les traces d’un échec que se sont lancés Elodie Brémaud et son coéquipier Éric Poiraud, à bord d’un voilier de 10 mètres, le Token Clash. Leur but : approcher le continent austral, tout en étant conscients des limites de leurs capacités.
Leur méthode : suivre des bateaux tout au long du parcours qui longera côtes africaines puis sud-américaines, profiter de leur sillage et de l’expertise de leurs pilotes et ne jamais, dans la mesure du possible, tracer une route qui leur soit propre.
Leur objectif : réaliser une pure tentative, sans achèvement possible, mener une investigation au long cours autour des notions de défi et d’exploration, en tant que puissances du récit, de la fabulation ; déconnectés de leur principe habituel de validation, à savoir le dépassement de soi ou le caractère exceptionnel du but que l’on se fixe.
Leurs moyens : le relevé de leurs expériences ainsi que les récits de voyageurs croisés durant le trajet, matériaux qui viendront enrichir une bibliothèque mobile créée à l’instigation
du « Syndicat d’Initiative », structure fictive qui se donne pour but de recueillir et de diffuser les récits d’exploration.
A l’issue de l’action, une exposition dont nous ne saurions présager le contenu ni la forme cherchera à restituer auprès du public nantais l’expérience du voyage, les états d’âmes, les élans et les imaginaires qui en rythmèrent le déroulement, qui lui donnèrent sa texture.
Texte : Julien Zerbone
Avec le soutien du Cnap, Centre national des arts plastiques (soutien pour une recherche artistique)
de l'Institut Français et de la Région des Pays de la Loire.