Julien Laforge, "forage/mémoire" 2017 et "prospective" 2016/2017
cl : Fanny Trichet
Julien Laforge, "multimodal", 2016/2017 et "déviation" 2016
cl : Fanny Trichet
Raphaël Ilias, "disposer du vent (version)", 2017
cl : Fanny Trichet
tenir l’écart est l’aboutissement d’un aller-retour : sélectionnés pour prendre part à un échange artistique entre le Yucatán et les Pays de la Loire, Raphaël Ilias et Julien Laforge furent accueillis en résidence à la Cúpula, un centre culturel situé à Mérida, du 13 janvier au 13 mars 2016. De retour à Carquefou, les deux artistes présentent un ensemble d’œuvres qui doivent autant à leur séjour yucatèque qu’à l’intervalle entre leur résidence et l’exposition.
Le Frac des Pays de la Loire présente du 25 octobre 2017 au 21 janvier 2018 salle Mario Toran, une exposition de Julien Laforge et de Raphaël Ilias intitulée tenir l'écart.
Julien Laforge s’intéresse depuis plusieurs années aux environnements de travail et aux gestes qu’ils suscitent, auxquels il emprunte volontiers formes et matériaux. Au Mexique, il se heurte cependant à la méfiance d’entreprises et d’exploitations agricoles aux pratiques douteuses qui craignent une publicité négative : les œuvres qu’il présente témoignent aussi de ces réalités qui se refusent au regard. Ainsi ces dessins sur plâtre nous rappellent-ils que la seule industrie locale et familiale qui subsiste sur place fabrique des gâteaux apéritifs à base de farine de maïs qu’on retrouve à tous les coins de rue, tandis que Ring del quotidiano, qui s’inspire des procédés cartographiques utilisés pour la prospection minière, évoque une exploitation qui sévit autant au Mexique qu’en Afrique subsaharienne. Quant à El pulpo, sa structure modulaire qui se répand au sol est le résultat d’une rencontre avec George Samuelson, menuisier/designer depuis disparu. C’est avec lui qu’il a réalisé Doble via, à partir de poteaux télégraphiques en pin et de tuyaux de fonte, structure que l’artiste a repris depuis à plusieurs reprises, notamment dans Déviation.
Raphaël Ilias axe sa pratique autour des rapports entre le phénomène sonore et l’espace, comment ce dernier imprime sa forme aux sons qui le traversent et comment les sons renseignent sur l’espace dont ils proviennent. À Mérida, submergé par le brouhaha incessant des voitures et de l’activité, l’artiste s’intéresse à la circulation des sons, accentuée par une ville ouverte aux quatre vents. C’est d’abord le train qui attire son attention, unique transport de marchandise qui traverse de part en part la ville en ligne droite, et dont la sirène constitue l’un des rares éléments repérables dans le paysage. Le long des rails poussent des arbres aux fruits en forme de haricots plats d’une trentaine de centimètres, dont les cosses et les graines séchées et durcies par le soleil produisent un son de crécelle, au gré du vent et des passages du train. Il s’en inspire pour réaliser, Disponer el viento, une installation qui reprend 396 de ces maracas naturelles, qui, fixées à des fils de pêche et actionnées par des moteurs électriques, ouvrent à intervalles irréguliers l’espace d’exposition aux vents du Yucatán.
Comment rendre compte d’un territoire et de ses spécificités, d’une découverte, d’une rencontre. Comment rendre sensible au visiteur leur absence même ? tenir l’écart constitue un espace imaginaire, le fruit d’une série d’écarts et de déplacements dont le plus essentiel est sans doute celui entre les œuvres et leur contexte de création. Il importe que le visiteur parcoure à sa manière et fasse sien cet « écart absolu ».
Julien Zerbone
Raphaël Ilias
http://phae.fr/