Eric Duyckaerts,"Pour en finir avec la Barre de Sheffer", 1997
© Eric Duyckaerts
Le Frac des Pays de Loire est invité par le TU à concevoir dans le cadre du festival SPLASH !, une programmation vidéo. Entre histoire de l’art et science, les deux œuvres vidéos sélectionnées témoignent ici du désir de s’imaginer conférencier.
Aurélien Froment, Eric Duyckaerts
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
Campus du Tertre
Chemin de la Censive du Tertre
44300 Nantes
Tél : 02 53 52 23 80
http://www.tunantes.fr
Festival SPLASH !
Qu’est-ce que les arts vivants et les sciences peuvent bien partager ? Du point de vue de la recherche, de la forme ou de la pensée ? SPLASH ! décale les regards et les cadres : spectacles, performances, conférences, laboratoire, cinéma ou encore exposition jouent de la confusion des genres et perturbent joyeusement les codes, pour explorer ce que arts vivants et sciences peuvent bien fabriquer ensemble.
Cela m’intéressait d’introduire le côté exact et précis de la science ( …) Ce n’est pas par amour de la science que je le faisais, au contraire, c’était plutôt pour la décrier, d’une manière douce, légère et sans importance.
Marcel Duchamp
L’art et les sciences entretiennent une relation fructueuse. L’art parle du monde… philosophie, religion, histoire, littérature, cinéma ou encore sciences physiques, naturelles, mathématiques et technologies sont d’illimités viviers. Si les artistes et les scientifiques n’ont ni le même objet, ni les mêmes méthodes, croiser les champs ouvrent des possibles.
Deux vidéos de la collection du Frac des Pays de Loire sont projetées au TU à l’occasion de SPLASH !. Au cœur de la proposition : envisager la réinvention du discours scientifique par le prisme de l’art.
Fin embobineur, acrobate du discours, orateur farfelu et décortiqueur des mécanismes du langage, l’artiste liégeois Eric Duyckaerts, génie filiforme au phrasé et au cœur délicats, a élaboré depuis le milieu des années 80 un travail insolite mêlant avec facétie les arts plastiques et la vulgarisation des savoirs exogènes, les sciences, les droits, la physique, la logique, les mathématiques…Voici comment Clémentine Mercier et Jérémy Piette présentaient l’artiste le 27 janvier 2019 dans Libération alors qu’il venait de s’éteindre. Dans l’ensemble des vidéos acquises par le Frac, Eric Duyckaerts s’amuse avec la Barre de Sheffer, et parvient à démontrer avec humour que des vérités "certifiées" n'en sont pas moins fausses. S’amusant avec le format « conférence », l’artiste nous offre un moment de pure poésie scientifique !
La deuxième vidéo, Pulmo Marina d’Aurélien Froment déroule une image hypnotique d’une méduse dans un aquarium. La qualité visuelle de l’image HD dont la beauté des couleurs happe le regard, se mêle au commentaire que l’on a de la peine à situer … qui nous parle ? le scientifique ? l’artiste ? Le discours énoncé par la voix-off emprunte à des registres variés : documentaires animaliers, brochures de zoo, lectures mythologiques …. Puis le commentaire se déplace à nouveau, pour nous livrer des informations sur les aspects techniques de l’aquarium : mesures, fonctionnement artificiel des courants, dispositifs d’éclairage et de colorisation de l’eau... Cette déconstruction révèle l’aquarium comme un véritable dispositif de monstration de l’animal, de mise en scène et d’illusion, qui le rapproche finalement de l’artifice du cinéma.
Ces deux œuvres d’Eric Duyckaerts et d’Aurélien Froment résultent des greffes opérées entre art et science, entre spéculation et création… pour une réinvention du réel et une refondation des savoirs.
La science n’est pas une forme d’art […]. Mais les résultats du chercheur ont une puissance poétique : ils révèlent les fils qui tissent notre réalité, et le mystère qu’il y a en son cœur. L’art et la science ont en commun de questionner le monde en rendant visible l’invisible ». Chercheurs, inventeurs, expérimentateurs, artistes et scientifiques sont animés par une quête semblable : repousser les frontières de notre connaissance. Dès lors, pourquoi ne pas unir leurs forces ?
Jean-Philippe Uzan, cosmologiste, entretien dans Télérama, septembre 2018 à l’occasion de l’exposition « La beauté des formes » au Palais de Tokyo, Paris