vue de l'exposition "Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber", Frac des Pays de la Loire, mars-mai 2017
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
vue de l'exposition "Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber", Frac des Pays de la Loire, mars-mai 2017
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
vue de l'exposition "Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber", Frac des Pays de la Loire, mars-mai 2017
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
vue de l'exposition "Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber", Frac des Pays de la Loire, mars-mai 2017
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
vue de l'exposition "Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber", Frac des Pays de la Loire, mars-mai 2017
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
vue de l'exposition "Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber", Frac des Pays de la Loire, mars-mai 2017
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
cl : Fanny Trichet
vue de l'exposition "Emmanuel Pereire présenté par Thomas Huber", Frac des Pays de la Loire, mars-mai 2017
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
cl : Fanny Trichet
œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire
En 2017, le Frac des Pays de la Loire invite l’artiste Thomas Huber à exposer au Frac à Carquefou et à la Hab Galerie.
A la Hab Galerie, Nantes, l'exposition Thomas Huber, L'imagination au pouvoir est présentée du 10 février au 23 avril 2017. En savoir +
Paradox, Jeu de cartes édité à l'occasion de l'exposition
Je ne connaissais pas l’artiste Emmanuel Pereire avant de croiser ses œuvres dans la collection du Frac des Pays de la Loire. Il ne s’agit pas simplement de deux ou trois tableaux du peintre mais de plus de 200 pièces, qui font de lui l’artiste de loin le mieux représenté dans cette collection publique. Ses tableaux sont curieusement naïfs, déployant des couleurs saturées, simples et parfaitement délimitées. D’autres représentations sont en revanche plus sombres, tels ces visages ricanant, sur les côtés desquels poussent des ailes. Des créatures surgissent en masse. Ce sont des anges, comme le révèle le titre des tableaux. Pereire a également peint des parties du corps, des pieds, des mains, des figures grotesques, yeux écarquillés et bouche bée, qui semblent avoir été arrachées à la toile dans la tourmente. De petits bonshommes schématiques marchent avec raideur sous une pluie battante. Beaucoup de tableaux ont été exécutés avec rigueur, les aplats de couleur y sont précisément délimités. À l’inverse, d’autres toiles effraient par leur négligence affichée des exigences picturales et semblent bâclées. Sont-elles la preuve d’une impuissance artistique ou une attitude consciente recherchée ? Pereire semble ne pas s’être soucié du format de ses tableaux. Le plus souvent, leur dimension ne s’accorde pas ni au choix ni à l’exécution du sujet. Il utilisait souvent des feuilles de papier accolées, dont les bords sont abîmés et enlaidis par du ruban adhésif. Manifestement, le choix des matériaux le préoccupait assez peu. Pereire est décédé en 1992, à l’âge de 62 ans. Parmi la liste impressionnante de ses expositions, on remarque diverses galeries réputées en France et aux États-Unis et une exposition personnelle au MOMA de New York. Pereire a également publié plusieurs textes et se disait « angélologue », chercheur en anges. À ses yeux, les anges représentaient une manifestation paradoxale car, bien que créatures de l’Au-delà, ils pouvaient parfaitement se matérialiser dans notre monde. Dans un épais cahier de brouillon, il avait consigné plus de 1 000 citations sur les anges, dont celle-ci, parue dans son Livre des Anges (1976) : « Notre invisibilité nous condamne à la réalité pure ». Tous ces aphorismes sont fondés sur une pensée paradoxale. Peut-être connaissait-il la célèbre phrase de Pascal « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé » (Pensées, Bibliothèque de la Pléiade N° 34, p. 1061, Paris 1940). La pensée paradoxale, telle que Pereire l’a pratiquée toute sa vie, croise l’irrationalité avec les modèles de la logique. Elle est la preuve d’une religiosité éclairée qui s’efforce de réconcilier les antagonismes, comme l’a exposé Kierkegaard, philosophe du paradoxe par excellence, dans son œuvre Ou bien… Ou bien. En tant qu’artiste, Pereire se sentait manifestement apparenté aux anges, percevant le paradoxe de son rôle. Un quart de siècle après sa mort, Pereire est tombé dans l’oubli. Il n’est mentionné dans aucune anthologie de la peinture du XXe siècle. Seule exception, une publication de G.J. Lischka, éditée par J.H. Martin, Alles und noch viel mehr (Berne 1985). Elle contient le texte de Pereire intitulé Manifeste angélique. Respectée et exposée de son vivant, considérée même par les plus grands, dont Roland Barthes qui préfaça le catalogue d’une des expositions, cette œuvre a aujourd’hui disparu. Pour quelle raison ? Le Français Pereire séjournait souvent à New York. L’art grand format des peintres américains du Hard Edge l’a sans aucun doute influencé. Pourtant, en comparaison, sa peinture reste une version peu convaincue, hésitante, de ces fiers tableaux, qui interrompent l’espace, à l’image de ceux de Frank Stella. A-t-il été victime du complexe d’infériorité français face à la suprématie de l’art américain des années 1970 ? Pereire a souvent exprimé son admiration pour Walter de Maria, qu’il considérait comme le plus grand artiste américain. Ce dernier avait d’ailleurs mis en scène un « orage d’anges » cosmique avec son installation Lightning fields dans le désert du Nouveau-Mexique. Dans les tableaux de Pereire, en revanche, les apparitions d’anges sont tout en retenue, bien loin des coups de tonnerre hâbleurs de l’art américain. Dans les années 1980, l’œuvre de Pereire a été associée au Bad Painting. Une exposition consacrée à ce style avait été organisée en 1978 par Marcia Tucker au Musée d’art contemporain de New York. Aujourd’hui, Martin Kippenberger, pourtant absent de l’exposition, est considéré comme un représentant plus significatif de cette nonchalance opposée à un art pictural expert et cultivé. D’ailleurs, comparé à Kippenberger ou même à Albert Oehlen, on ne retrouve pas chez Pereire ce sarcasme, cette insolence de la transgression des limites ni cet esprit de l’invention picturale. Ses tableaux semblent simplement peints avec maladresse et désinvolture. De toute évidence, Pereire est passé au travers des mailles du filet du Monde de l’art. Son œuvre n’a été interceptée par aucun courant artistique. Pourtant, ou justement à cause de ces résistances à l’ordre établi, Pereire mérite notre attention. Parmi les 225 pièces de la collection, j’ai sélectionné 36 œuvres. Mon choix est très personnel. Je n’ai en particulier sélectionné que des pièces qui satisfont mes critères artistiques. Beaucoup de ses créations me semblent avoir échoué et ne pas mériter d’être montrées. Mon choix s’est plié à mon regard, formé à l’art pictural au cours de nombreuses années. Le contexte historique, si souvent invoqué, et le discours artistique immanent n’ont joué qu’un rôle très secondaire dans ma sélection. J’ai choisi les tableaux qui, après tant d’années, sont pour moi dignes d’être de nouveau regardés et étudiés.
En parallèle, expositions :
Thomas Huber, extase - Centre culturel suisse, Paris
du 21 janvier au 2 avril 2017
Thomas Huber, À l’horizon - Musée des Beaux-Arts de Rennes
du 2 février au 21 mai 2017
Le Livre des Anges tapuscrit est actuellement exposé au Frac. Vous pouvez aussi reçevoir des extraits quotidiennement du Livre de Anges sur notre page Twitter.